Le temps de commémoration

As part of the King’s College London’s Arts and Humanities festival, this year entitled “Underground”, our French Content Editor Sarah Jones attended a panel on Stuart Brisley and Maya Balcioglu’s Cenotaph Project which also included contributions from Tony White and the French Department’s Sanja Perovic and Johanna Malt as chair. Translation by Tereza Pazderova. English original available here.

Pendant cette période de l’année, le Royaume-Uni commémore. Nous commémorons parce que c’est ce que nous sommes censés faire et parce que nous l’avons toujours fait. Nous prêtons quelques minutes de notre temps pour nous souvenir des soldats tombés pour la patrie. Mais nous prenons rarement le temps de nous arrêter et de méditer sur l’action collective de la commémoration elle-même. Que devrions-nous commémorer réellement et pour quelle raison? Et comment devrions nous nous en occuper?

Le Projet Cénotaphe

Ayant lieu à King’s College London, le Projet Cénotaphe, représentait une occasion importante pour pouvoir poser toutes ces questions en public. Le panel a revu le Projet Cénotaphe de Stuart Brisley et de Maya Balcioglu afin de reconsidérer son effet dans le monde d’aujourd’hui. Du mot grec kenos (vide) et taphos (tombeau) c’est tout ce que le cénotaphe représente – un monument creux dont le sens donné a plus de substance que le contenu. Dans son essence le cénotaphe est un exemple parfait de lieux de mémoire de Pierre Nora. Le Grand Larousse défini le terme de Nora comme une ; “[U]nité significative, d’ordre matériel ou idéel dont la volonté des hommes ou le travail du temps a fait un élément symbolique d’une quelconque communauté.”Le Cénotaphe de Whitehall est devenu un lieu de mémoire à cause de son idée centrale liée à la National Service of Remembrance, ce qui lui donne un sens qui n’est pas naturel pour le monument

Le Projet Cénotaphe consistait en la construction de la réplique du Cénotaphe de Whitehall (photo ci-dessous), qui avait été dessiné de façon à pouvoir rentrer dans un logement social traditionnel. Cette réplique a été ensuite exposée dans six endroits à travers le Royaume-Uni, dans divers endroits tels que ; la succession de conseil à Gateshead, un lieu de rassemblement des Quakers à Cambridge, ainsi que la ville de Halifax.
980209286544a7c0575fb04-57312916-1

Le but de cette exposition était de provoquer une réaction dans ceux qui ont vus le modèle. Le fait d’avoir arraché le cénotaphe de son environnement habituel, au coeur du pouvoir politique britannique, a fait que le modèle a réussi a pénétré des endroits personnels qui ne sont autrement atteints que par les rituels d’une comméoration publique. Le cénotaphe a été disposé dans la chapelle de King’s College London; un milieu qui a provoqué un retentissement presque immédiat. Le Cénotaphe de Whitehall est un objet considérablement nu, avec des lignes droites et des perpendiculaires soignées. On a intensifié cet effet dans la forme de réplique; la peinture grise et monotone ne rend le cénotaphe reconnaissable que par sa forme, plutôt que par son inscription ou bien son emplacement. La couleur crayeuse a créé un contraste discordant en comparaison avec la splendeur de la chapelle et elle souligne les différences entre les méthodes du recueil sacrées et laïques. Celle-ci a suscité des questions en ce qui concerne la manière préférable ou adéquate, étant donné ce qui est representé. Brisley et Balcioglu ont soutenu l’idée que les monuments commémoratifs de la guerre doivent être débarrassés d’embellissements pour que tous les crédos soient évoqués parmi les personnes tombées. Ceci semble émouvant par rapport mers de croix blanches que l’on peut voir s’étendre à travers la Somme. Par conséquent , la réplique du cénotaphe a été conçue pour que l’on se pose les bonnes questions en ce qui concerne les façons de commémorer qui doivent être soutenues, donc officielles, et celles que l’on doit réprimer.
cenotaph-google-street-view-1

Le temps de commémoration de nos jours

Il est impossible de penser aux monuments de guerre sans penser au projet “La Tour de Londres se rappelle” qui était précédemment connu comme Blood Swept Lands and Seas of Red. La vue sur des coquelicots rouges, qui déferlent sur la Tour et qui remplissent la douve, a éveillé des sentiments forts parmi beaucoup d’Anglais et les touristes aussi – la plupart d’entre eux se sont sentis obligés de voir  l’installation par eux-mêmes. Un si grand intérêt a eu pour résultat la formation de foules de gens qui se bousculaient près des rampes pour pouvoir prendre une photo pendant que l’installation était encore exposée. Et à cet égard, c’est ici que réside le problème. Bien que la mer de coquelicots soit indéniablement accablante étant donné le lien direct entre la quantité de coquelicots et le nombre de soldats anglais tués pendant Première Guerre mondiale; la beauté de ce spectacle dépasse presque les bornes du but prévu. Le contraste des murs blancs et des coquelicots rouges convient parfaitement pour la publication des photos sur Instagram et on a saturé mon profile Facebook avec des selfies de toutes sortes avec les coquelicots en arrière-plan. Naturellement, la personne photographiée souri. Cette situation insinue que le message du projet se perd dans son esthétique. Je ne doute pas que cette esthétique a été fabriquée soigneusement afin de causer une réaction qui captive les foules et qui en contrepartie permet de vendre des coquelicots après le 11 Novembre. Donc, il semble que l’ artiste a délibérément enterré le message du projet pour pour avoir une importante attention médiatique. Il y a même un “hashtag”sur Twitter qui fait référence à l’installation et qui a été créé et propagé par le projet. C’est une vue cynique du projet et je suis sûre (enfin j’espère) que les lecteurs ne seront pas d’accord avec moi sur la base de leur propre expérience de l’exposition. Néanmoins, l’exposition est un mot approprié parce qu’elle attire plus d’attention sur le style de présentation du  message, plutôt que ce qu’il nous communique vraiment.

Mais qu’est-ce qu’il nous transmet; qu’est-ce que tous les monuments de guerre “signifient”? La réaction générale face aux coquelicots de la Tour a traduit des sentiments de consternation et de  dégoût.  L’esthétique du projet cénotaphe était promue comme préférable par les artistes, étant plus libre de tout embellissement et donc dépourvue du sens inhérent. Je ne suis pas du même avis que Brisley et Balcioglu quant à cette question. Sanja Perovic a illustré que l’esthétique sanctionnée et institutionnalisée par l’état, continue de conserver les vestiges d’un système politique qui les a forgés même si elle est popularisée par le grand public plus tard. Le Cénotaphe et sa réplique sont construits dans un style néo-classique, la nature exacte visuelle dépend considérablement de son contexte culturel; la version française de néo-classicisme du dix-huitième siècle incorporait des bâtiments et des jardins futuristes sphériques. Le contexte culturel du Cénotaphe représentait l’Europe d’après-guerre – un paysage qui engendra des bâtiments tels que l’ancien palais du Trocadéro à Paris et la Chambre du Sénat à Londres. Ces deux bâtiments évoquent fortement les styles architecturaux préférés par les états fascistes du vingtième siècle. Même si la réplique de Cénotaphe a l’air d’être un cube anonyme, cette forme elle-même est bourrée de signifiances.

Un autre aspect de l’acte de commémoration aujourd’hui est de savoir comment il se déroule au sein des  frontières nationales strictement délimitées. Par cela je veux dire que le Cénotaphe de Whitehall et les coquelicots à la Tour de Londres ne commémorent que les soldats anglais tués pendant la Première Guerre mondiale. On fait souvent penser aux enfants que le jour du Souvenir est organisé dans l’intention de se souvenir d’une idée perdue “˜la guerre pour mettre fin à toutes les guerres” et de penser à  tous ceux qui sont morts au combat. L’Iconographie qui met en avant le coquelicot sape le message universel. Le coquelicot est indissociable de la Première Guerre Mondiale dans l’imaginaire culturel si bien que TFL nous rappelle actuellement le poème de John McCrae; “dans les champs de Flandres les coquelicots soufflent” en l’affichant dans les rames de mértro. Donc quand nous nous rappelons de la guerre par le symbole du coquelicot nous ne pensons qu’aux guerres du vingtième siècle. De plus, en dehors de l’Angleterre et les régions du Commonwealth, il n’y a pas de phénomène de cette sorte. Quand on utilise un coquelicot pour se souvenir des morts, nous ne nous rappelons que des morts anglais. Malgré le fait que John McCrae était canadien. Les Quakers ont tracé un plan alternatif pour l’installation qui proposait de planter 19, 5 million de coquelicots couvrant une plus grande partie de Londres. Leur version est différente car ils comptent aussi les morts non alliés et non militaires. Ceci met en évidence le vrai prix de la guerre, ce que les projets actuels ne sont pas capables de faire.

Malgré leur esthétique, les coquelicots autour de la Tour de Londres sont finalement contre-révolutionnaires en substance. L’exposition de la Tour et le Cénotaphe de Whitehall colportent le même message bien qu’il soit contenu aux deux extrêmes visuels; nous nous souvenons en tant que nation, et en tant que telle nous devons nous rappeler ceux qui sont morts dans le but de proteger la nation. Je ne désire pas me détacher de toutes commémorations , mais plutôt que l’on se souvienne en tant qu’êtres humains unis sous une seule bannière de l’humanité. Mais je ne sais pas comment je projetterais ce monument ce monument détaché des restrictions nationalistes.
the-times-poppies-1

 

What are war memorials like in other countries? How are they similar, or different, to those of London and of the UK? Please email your responses to Steph the Editor at glossa.editor@gmail.com.

 

Photo credit: stuartbrisley,com, Google Street View, The Times via David Jack (https://twitter.com/DJack_Journo/status/531944398951825408/photo/1)

Leave a comment